mardi 20 décembre 2011

Le flou(ze) du zoo ...

En divaguant sur le Net, je suis tombé sur un article datant de fin 2010, qui n'a pas fait le bruit qu'il méritait dans nos débats.

Je le résume en une citation:
Les principales industries du droit d’auteur et des droits voisins sont les industries qui s’occupent de la création, la production, l’exécution, la diffusion, l’exposition, la distribution et la vente d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. En 2009, celles-ci ont généré un chiffre d’affaires de 30.933,20 millions € ou 3,15% du chiffre d’affaires total de la Belgique. De ce fait, ce secteur se place devant l’industrie automobile (1,65%), le secteur financier (1,88%) et l’horeca (1,09%).  
En 2009, les principales industries du droit d’auteur et du droit voisin employaient 87.230 équivalents temps plein chez 8.943 employeurs, soit respectivement 3,12% et 4,00% du total des emplois en Belgique. (Belgianentertainment)

Près de 31 milliards d'euros ! Entre 3 et 4% du total des emplois en Belgique sont soutenus par le travail des artistes, en Belgique et partout dans le monde ... la démondialisation de la Culture a précédé de longtemps celle des flux financiers et des échanges commerciaux traditionnels.
Ces chiffres sont supérieurs à ceux révélés par les études Eurostat sur les statistiques culturelles 2007 et 2011 (qui vient de sortir).

Dans le débat qui nous occupe, ces chiffres me suggèrent seulement quelques réflexions élémentaires ...


Si l'on se réfère aux chiffres livrés par l'ONSS sur le nombre d'artistes (code 046) ayant cotisés dans le régime général des salariés, et en retenant l'hypothèse haute qu'il s'agit de 3.500 équivalents temps plein artistiques (leurs chiffres sont un peu plus compliqué que cela) au barème le plus élevé ... disons des centres culturels, cela fait au grand maximum 200 millions d'euros de coûts salariaux artistiques !
200 millions à mettre en regard de 31 milliards !


Le coût de l'emploi artistique salarié pèse des cacahuètes en regard du chiffre d'affaires des industries du droit d’auteur et des droits voisins.

En croisant les chiffres de l'Onem et de l'Onss, avec ceux de SMART, et en essayant de pondérer le nombre estimé d'artistes par leur temps de travail rémunéré, on doit à peine arriver à 3 ou 4.000 équivalents temps plein artistiques salariés, soit bien moins que 5% du volume d'emploi du secteur desdites industries !

L'emploi artistique pèse des pelures cacahuètes !

Le financement d'un statut social et fiscal des artistes repose sur un secteur économiquement prospère, très prospère ... Enfin ... devrait reposer ... en principe ...
Car vous imaginez bien le poids du lobby desdites industries !
Et j'ai peine à imaginer que ce lobby a pour préoccupation première le "statut social des artistes" !

Certes, une part importante sans doute de ce chiffre d'affaires s'explique par l'exploitation et la diffusion des oeuvres d'artistes étrangers en Belgique. Je prétends que cette part se réduirait à des cacahuètes dans un pays dépourvu d'artistes, de vie culturelle propre, amateure et professionnelle, bref du travail des artistes "locaux", et du patrimoine culturel qu'ils offrent à ce pays au cours des ans. C'est sur ce terrain et avec ce terreau que les industries du droit d'auteur et des droits voisins prospèrent en Belgique, comme dans tous les pays européens.

De la même manière, je prétends que la "réussite" économique des artistes qui arrivent à vivre de leur art, est fonction de la diversité et du nombre de tous les autres , en ce compris les "amateurs", les "artistes marrons", les artistes qui ne prestent qu'une ou deux fois par an, les artistes qui ne vendent pas leurs oeuvres, ou si peu ...! Comme le chantait Colette Magny: "Comment ça va les gens de la moyenne ? Savez-vous que sans nous, personne ne peut rien du tout."

Quand à celles et ceux qui croient encore que la culture est un secteur non-marchand qui obéit à la métaphysique du "supplément d'âme" ... ils risquent de connaître des lendemains qui déchantent.
A moins de résister et de combattre. Ensemble.

N’exige pas de nous la formule qui puisse t’ouvrir des mondes,Mais quelque syllabe difforme, sèche comme une branche.Aujourd’hui nous ne pouvons que te dire ceci :Ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas.
Eugenio MONTALE (in Os de Seiche)





mercredi 14 décembre 2011

Trop de théâtre(s) ? (bis)



Quelques citations dans l'ordre chronologique (et j'aurais pu remonter bien plus loin dans le temps !) ... Dommage que je ne retrouve plus la délicieuse métaphore du sylviculteur Richard Miller sur les branches mortes à élaguer !

(voir aussi: https://sites.google.com/site/renaudvancamp2actualite/)
  • N'y a-t-il pas trop de théâtres subventionnés ? (Marie Baudet et Guy Duplat - 21/01/2005)
  • Michel Kacenelenbogen, co-directeur du Public, entend surtout aborder un point épineux : la distribution des subventions publiques aux théâtres, disproportionnée, selon lui, par rapport à leur fréquentation. "A Bruxelles, 80 % de la subvention concerne des théâtres qui accueillent moins de 15 % des spectateurs", déclare le fondateur du Public,  (in Le Soir du 07/06/2007)
  • A Bruxelles, trois théâtres font 80 % des spectateurs, le Public, les Galeries et le Parc. Le Public seul représente un quart des billets vendus. Malheureusement pour nous, faire du monde est assimilé à du clientélisme ! Notre subvention se monte à 750.000 euros alors que le National reçoit six millions d'euros, se plaint Kacenelenbogen.  (dans le même article, cfr supra)
  • L’avenir du théâtre est-il encore serein à Bruxelles, n’y a t-il pas trop de théâtres pour une même ville ? (tele-Bruxelles, le 20/10/2010)
  • En communauté française, 90 % des subventions concerne 10 % des spectateurs. Je ne juge pas cette réalité, je la constate. (Michel Kacenelenbogen, in Le Soir du 14/09/2011)
  • Par contre, il y a de nombreux théâtres d'avant-garde, qui s'adressent tous à un même public restreint de spectateurs avertis.  (Michel Kacenelenbogen, in Le Soir du 14/09/2011)
  • Je ne veux pas de théâtres réservés à une caste ou à une élite.[...]Le taux de fréquentation de nos structures est l’un des critères permettant d’apprécier les dynamiques d’une institution prévus par le décret sur les Arts de la scène. Ce n’est heureusement pas le seul facteur d’évaluation, mais cela ne signifie pas que j’y suis indifférente. (Fadila Laanan, Ministre de la Culture, 14/11/2011)


Loin de moi l'idée de laisser entendre que Michel Kacenelenbogen écrit les discours de la Ministre !
Mais ses interventions de 2007 laisse clairement entendre dans quelle perspective la question est remise sur le tapis, par lui (09/2011), avant de l'être par la Ministre (11/2011).

Une première remarque: la Ministre de la Culture est mal renseignée ou manque de nuances, le Décret sur les arts de la scène prévoit en fait que, pour une demande de renouvellement, "et compte tenu de la spécificité du
demandeur, ce descriptif [de l'activité des trois années au moins précédant la demande] comprend notamment l'évolution du volume d'activité et de la fréquentation annuelle ainsi que l'évolution des recettes et de la billetterie le cas échéant et le volume d'emploi, notamment artistique, généré par l'activité;" (c'est moi qui souligne).
Le législateur savait très bien 
- qu'un taux de fréquentation ne veut rien dire (comment comparer un spectacle à 5 représentations dans une salle de 60 places, remplie = 100% de taux de fréquentation, et un spectacle à 25 représentations dans une salle de 400 places aux 3/4 remplie = 75% de taux !);
- que le travail de médiation et sensibilisation des publics s'évalue dans le temps !

Une deuxième remarque: si l'on prend la question de la sensibilisation des publics, dans la perspective de la démocratisation de la culture et de l'accès de tous les publics, certes l'évolution quantitative peut être évaluée, mais l'évolution qualitative des publics (diversité culturelle de ceux-ci, caractéristiques socio-démographiques et économiques, etc.) doit, elle, être évaluée.
Le législateur a également prévu que ce bilan repose sur trois pieds: activités, fréquentation et recettes de billetterie, volume d'emploi, et qu'il soit tenu compte de la spécificité du demandeur ! Cela relativise et complexifie singulièrement la question du taux de remplissage des théâtres !

La notion même de taux de fréquentation est utilisée à mauvais escient (méthodologie statistique): ce que vise Michel Kacenelenbogen et Mme la Ministre, c'est le volume de spectateurs par structure, éventuellement pondéré (au pro rata) du volume d'activités (par nombre de spectacles ou de représentations ?) et/ou de la jauge (totale ?) des salles de la structure. On pourrait éventuellement parler d'un "taux de remplissage" ... ce qui est loin d'être la même chose.
Pour un taux de fréquentation, l'on prendra pour référentiel le volume total des spectateurs potentiels différents d'un territoire donné (Bruxelles +/- 1Million de personnes - les enfants en bas âge et les personnes immobilisées dans un home, une prison, etc.). On dira par exemple: en 2011/2012, x% de la population bruxelloise entre 18 et 75 ans va une fois au moins au théâtre Le Public !
... Ce qui suppose de pouvoir identifier quand un spectateur = une personne et quand une personne = plusieurs spectateurs (la même personne est venue plusieurs fois au théâtre). Nous sommes loin de pouvoir identifier le rapport de ces deux variables (spectateurs, personnes allant au théâtre) ! 

Or la question est pour le moins cruciale de savoir si un théâtre gère un stock à rotation faible de personnes multispectatrices de ses spectacles (accent mis sur la fidélisation) ou si il préfère mettre l'accent sur la dynamique des flux (avec la prise de risques que cela suppose de diversifier en permanence ses publics). Je laisse à la Ministre socialiste de la Culture, qui parle de caste - à juste titre, mais sans doute pas dans le sens où on l'entendra communément -  le soin de se demander si cette question n'est pas plus importante que celle de savoir si la salle est remplie ou non !

Enfin, il serait judicieux que les Pouvoirs Publics, et les théâtres (j'excepte le Théâtre de Poche, "qui fait le job" !), se demandent sérieusement si leur programmation (la fameuse ligne Maginot artistique), leur marketing, et donc leurs publics reflètent sensiblement et intelligemment les diversités culturelle et sociale de Bruxelles !


Pourquoi ce débat est-il systématiquement d'année en année forclos sur Bruxelles ? A priori, un théâtre dont les salles sont sous-peuplées (si cela existe, bien sûr), isolé sur un territoire (sans concurrence, donc) devrait poser autant de questions (sur la direction de la structure plutôt que sur la pertinence de l'existence de l'infrastructure) sinon plus que celle du taux de remplissage des théâtres dans un contexte hautement concurrentiel. L'on voit bien qu'il s'agit en fait de forcer la promotion d'un critère aux fins d'une redistribution des subsides en temps de vaches maigres !

Pour terminer, je lance une idée remixée de Karl Valentin et Claude Semal (je rends homage à mes sources), à destination de tous ces spectacles "à 5 représentations". Vous jouez dans une salle de 100 places ... Vous allez consacrer 2.500€ à votre promo, sans garantie de résultats ?... Contentez-vous d'un "buzz" sur Facebook où vous offrirez 5€ à chaque spectateur ... Votre salle sera remplie à chaque représentation, pour le même coût. Et vous rejoindrez le top des taux de remplissage, en damant le pion aux meilleurs ! Et comble d'ironie, vous aurez enfin un "vrai public", diversifié et imprévisible ! ... Et plus personne n'entrera gratuitement ...

Auteurs / Interprètes / Cacahuètes

L'une des pierres d'achoppement de toute évolution de la question du statut socioprofessionnel de l'artiste tient à cette distinction entre auteurs et interprètes. Cette distinction peut à l'occasion devenir fracture, voire affrontement entre artistes ou entre organisation représentatives de ceux-ci.

Il ne s'agit jamais que de se disputer un morceau de fromage (râpé aujourd'hui !). La question s'est posée dès la naissance des moyens permettant d'exploiter commercialement la prestation des interprètes en dehors du temps et du lieu de cette prestation: la Radio et le disque. Les artistes exécutants (comme on les appelait à l'époque) réclamèrent une compensation financière au titre de cette exploitation, avec l'appui, d'ailleurs du Comité International de la TSF. Les auteurs et leurs organisations représentatives s'y opposèrent avec force tant qu'ils suspectèrent que cette protection risquait de toucher à leurs prérogatives et sources de revenus (partage du droit et des revenus).  En 1928, la tentative de doter les artistes exécutants d'un droit d'auteur sur leur prestations s'est soldée par un échec cuisant à la Conférence de Rome (1928). C'est par le biais du contrat de travail, en quelque sorte conceptuellement "splitté" entre le moment de l'interprétation et son exploitation ultérieure et/ou délocalisée, et de la défense économique de la "valeur-travail" de ces artistes exécutants, que les tenants d'une protection de leurs droits ont enfin obtenus le soutien des auteurs. Et l'affaire fut portée au BIT (Bureau International du Travail) en 1930.
On lira sur ce sujet: "Les droits dits connexes au droit d'auteur" de M. Saporta (1952).

La situation inverse semble se présenter: l'arrivée des artistes créateurs dans un système auparavant verrouillé autour des artistes interprètes ravive un contentieux vieux de près d'un siècle ... et qui a déjà connu pas mal de soubresauts depuis. La Plate Forme des Nationale des Artistes a connu (1998-2001) cette tension entre auteurs et interprètes ...

Si les artistes ne font pas preuve de solidarité, une solidarité sans compter !, les forces régressistes (que ceux qui se sentent visés se grattent où ça leur démange) auront beau jeu de porter le fer dans la déchirure.

Par ailleurs, depuis des années, et cela ira en s'amplifiant de manière irréversible, une pratique exclusive de "créateur" ou "d'interprète" n'est plus le fondement du développement économique et artistique du secteur culturel ! Les pratiques ET le droit se sont reconnus vaille que vaille dans cette évolution., même si les pratiques vont plus vite, évidemment que le droit.

Quand un artiste, que l'on sait profondément engagé à gauche, syndicalement, politiquement, artistiquement, énonce que la profonde différence entre un artiste de spectacle et un artiste créateur tient à "ce temps de travail que l'on achète à l'artiste de spectacle", il sait pertinemment que cela est de moins en moins vrai. Sinon, pourquoi les syndicats ont-ils reconnus le cachet (déconnexion de la rémunération et du temps de travail) comme mode de rémunération officiel dans le secteur du doublage ? Qui peut croire aujourd'hui que l'emploi d'un metteur en scène n'est pas en fait un emploi "à la tâche" mais resterait parfaitement dans le cadre d'une relation contractuelle fondée sur la "subordination" ? La jurisprudence a d'ailleurs mis à mal la centralité de cette notion. Sur quelle base négocier la répartition d'un revenu provenant du travail artistique d'interprète entre la rémunération du temps de travail et la perception de droits "voisins" sur l'exploitation de celui-ci ? Sans parler de toutes les pratiques qui mixent allègrement les "positions auteur-créateur" dans le travail: un vrai kamasoutra !

On peut regretter un pseudo âge d'or où l'horizon commun d'un comédien ou d'un musicien était d'être intégré dans des structures qui les engageaient dans des contrats de moyenne ou longue durée. Mais cet âge d'or était payé d'un corporatisme certain, qui instaurait des processus de (d'auto-)légitimation forte, pour verrouiller  la porte d'entrée aux nouveaux arrivants. Que l'on se rappelle l'exigence syndicale en 1950 d'une carte d'acteur professionnel ... (il est piquant que l'Association des directeur de théâtre s'y soit opposée) au prétexte qu'il s'agit de "protéger les véritables artistes contre les artistes marrons" (dixit un représentant syndical) !

Hé oui ... sondez vos coeurs et vos reins: combien d'entre nous en sont encore à faire cette distinction ... celles des "vrais" artistes" contre les autres !

Cette carte d'acteur professionnel fut instaurée en 1968 (les syndicats ont les moyens d'avoir l'esprit de suite) à l'occasion des mouvements agitant alors le secteur (l'entrée dans le champ des premiers représentants du "Jeune Théâtre", l'accroissement du nombre de comédiens et de metteurs en scène, etc.) par arrêté royal (modifié en 1970 et 1974) ...

 Art. 3. Le titre d'acteur professionnel est accessible à quiconque aura accompli un stage d'au moins deux ans au terme duquel il justifie avoir satisfait aux conditions suivantes:
  a) avoir effectué, au cours de deux années consécutives, 200 représentations publiques au moins, étant entendu, pour le calcul de ce nombre, que les prestations effectuées dans les émissions dramatiques à la Radio et à la T.V. seront prises en considération et respectivement affectées d'un indice de 1 et 3 par quart d'heure d'émission;
  b) (avoir obtenu, au cours de cette même période de deux années consécutives et du chef de ses prestations effectuées en qualité d'acteur professionnel, une rémunération brute de deux cent mille francs (200 000 F.) au moins. Conformément aux dispositions de la loi du 2 août 1971, ce montant est lié aux fluctuations de l'indice des prix de détail et lié à cette fin à l'index pivot 114,20.) <AR 24-12-1974, art. 2>
  c) avoir accompli les prestations, dont il se prévaut pour l'obtention du titre d'acteur professionnel, sous le régime du contrat d'emploi avec assujettissement à la sécurité sociale.
  Des dispositions ultérieures seront prises en considération du développement de la production cinématographique et de toute autre activité nécessitant l'emploi d'acteurs.


Il s'agissait clairement de se doter d'un outil de type "numerus clausus", autorégulé par les intervenants du secteur (commission plus ou moins paritaire syndicats - représentants des opérateurs). Rassurez-vous ! on peut parfois se réjouir qu'un arrêté royal sombre dans l'oubli ... il n'est cependant toujours pas abrogé !

Arrêtons la fiction ! le corporatisme sous-sous-sous-sectoriel n'a aucun avenir comme stratégie de combat dans la défense des droits sociaux des artistes (hé non, je ne parle pas d'un statut), de tous les artistes. Se voiler la face d'un drapeau rouge au prétexte de défendre ce qui n'est plus qu'une illusion conduira inévitablement à s'encastrer dans un mur autrement plus dur que les opinions des uns et des autres. Non pas qu'il faille transiger sur des principes au prétexte des praxis, mais ces principes, d'égalité et de solidarité, il convient de les mettre en oeuvre au sein même des rapports de force sur les marchés, le marché des biens culturels et le marché du travail. C'est comme cela que les artistes, tous ensemble, ont une un chance, mince mais réelle, de renverser ces rapports de forces en leur faveur.

Oui, je me félicite que des artistes aujourd'hui on réussi à ouvrir leurs droits aux allocations de chômage plus rapidement et facilement que moi (rapidité et facilité bien  relatives) ! je n'en conçois aucune aigreur.
Oui je me réjouis de voir côté à côte un plasticien, un écrivain, un comédien, se battre ensemble pour des droits sociaux communs !
Oui il y a un risque à se battre ensemble pour faire évoluer le système, plutôt qu'à se refermer sur des acquis ... tellement fragiles - au prétexte d'une étiquette qui a longtemps résisté sur la bouteille ... En espérant que personne d'autre ne vienne s'y abreuver !

Mais je suis de ceux qui, même vivant mal, sont prêts à risquer de vivre un peu moins bien pour que d'autres, vivant plus mal encore, vivent un peu mieux ! (hum hum ... vous avez suivi, parce que moi, pas !) Et c'est alors qu'un combat commun peut s'engager pour que TOUS vivent de mieux en mieux ...
Nous en sommes au point où il n'y a plus de navires, seulement des canots de sauvetage ... ne laissons personne dans les "eaux glacées du calcul égoïste" (Marx). Je préfère encore prendre le risque d'être mangé un peu plus tard, tiré à la courte paille !

"Ainsi une société où l'on travaille dur en permanence aura davantage de sécurité : et l'on adore aujourd'hui la sécurité comme la divinité suprême. — Et puis ! épouvante ! Le « travailleur », justement, est devenu dangereux ! Le monde fourmille d'« individus dangereux » !" (Nietzsche)

Trop de théâtre(s) ?

Une polémique est née en novembre de la Préface au programme des Prix de la critique (14/11/2011), signée de la Ministre de la Culture de la Fédération Wallonie Bruxelles, Mme Fadila Laanan. Qui a résonné avec un article paru antérieurement dans le journal Le Soir du 5 septembre.

Bien que je me sois éloigné du champ théâtral, j'y ai suffisamment oeuvré (Etats Généraux d'un Jeune Théâtre, Maison du jeune Théâtre, Plate Forme Nationale des Artistes) pour que la question actuelle me replonge dans les analyses que nous menions dans les années '90, et qui manifestement restent d'actualité. j'en parlerai d'autant plus à l'aise que je n'ai aujourd'hui plus aucun enjeu personnel à défendre en la matière.

Grosso modo, ladite question tourne autour de quatre points:
  • l'offre théâtrale en Région de Bruxelles;
  • le taux de fréquentation des théâtres;
  • l'avant-garde (sic);
  • la nécessité perçue par la Fédération Wallonie Bruxelles de rationaliser l'allocation de ses moyens maigres et incertains.
Pour ceux qui ont un peu de mémoire, ces mêmes points (exactement les mêmes) agitent régulièrement le secteur depuis 30 ans ! Et leur retour en 2011 étaient non seulement prévisible, mais quasi annoncé depuis l'Etude sur les Publics conduite par la Bellone en janvier 2009. j'avais déjà dans un échange privé avec les responsables de cette étude attiré leur attention non seulement sur des questions de méthodologie, mais également sur le sens politique des choix méthodologiques et des concepts retenus. Je ne m'étais pas trompé.

Dans ce premier post (hé oui, je suis un polygraphe: il y en aura d'autres), je me contenterai de peu ...

En rester à une analyse synchronique et locale de ces questions mènera forcément à une compréhension erronée (par volonté stratégique, manque d'information ou paresse intellectuelle) de la situation et donc à des décisions (éventuelles) au mieux inopérantes au pire contre-productives.

Cela est d'une telle évidence que je me demande POURQUOI une analyse diachronique, historique n'est jamais prise en compte ?

Par exemple, croit-on vraiment inutile de refaire l'historique de la question de l'offre théâtrale à Bruxelles ? des stratégies politiques qui ont été mises en oeuvre pour la traiter ? de l'évolution de l'offre théâtrale depuis la reconnaissance de la première vague des structures issues du Jeunes Théâtre dans les années '70 ? Est-on capable aujourd'hui de conduire une analyse qualitative de cette offre, et de son évolution depuis 20 ou 40 ans (première et deuxième vague du "jeune théâtre") ?
Plus spécifiquement: la question du taux de fréquentation doit-elle être évaluée par structure, par artiste (pourquoi tel metteur en scène fait telle fréquentation ici et telle là), par sous-secteur (puisque l'on parle d'avant-garde, doit-on procéder avec la même méthode et les mêmes concepts pour l'avant-garde et le théâtre de divertissement), et finalement, la question pour une structure ou un artiste du taux de fréquentation ne serait-elle pas plus pertinente si elle était envisagée dans le temps (c'est ça la médiation culturelle: travailler dans le temps !): dynamique des flux plutôt que gestion des stocks ?! Cette fréquentation doit-elle faire l'impasse sur les caractéristiques socio-économiques des publics ?

De tout cela ... rien, nulle part: ni données, ni concepts, ni évidemment analyses ! le pire: je ne vois même pas pointer l'ombre de la volonté d'entamer un tel travail ? Serais-je le seul à le trouver nécessaire ?...

Faire l'impasse sur ces questions ne sera jamais qu'une stratégie - minable - politique et économique, tant des Pouvoirs publics (qui dispose des moyens et d'une partie des données pour entamer cette analyse complète), que du secteur lui-même (à titre d'exemple, les déclarations de Michel Kacenelenbogen me paraissent aussi sinon plus stratégiques en la matière que la Préface de la Ministre).

Un mot encore sur l'"avant-garde" ? Celle-là m'a bien fait rigoler ... jaune. Et je préfère de loin la défense de la diversité telle que présentée par Philippe Sireuil (cfr son intervention dans le journal Le Soir), dont j'estime toujours la pertinence et la qualité des analyses et positions (que je les partage ou pas).

Il n'y a pas de théâtre d'avant-garde à Bruxelles ni en Wallonie ! En tous cas si l'on se réfère à la production internationale actuelle ... Localement ça se discute peut-être, mais à quelle stratégie, encore fois, obéit-on en déployant un tel concept localement ? Et cela a-t-il même un sens. Par définition l'avant-garde (pour peu que ce concept ait encore un sens) est un concept historique qui ne peut être réduit ni à un temps ni à un lieu donnés !

Bon c'est l'heure du déjeuner, et j'ai encore d'autres ruines à visiter.

La notion de cachet - beaucoup d'inconnues dans l'équation !


Le cachet est un mode de rémunération forfaitaire en paiement d’une représentation ou d’une répétition, exclusivement réservé aux artistes. Sa caractéristique principale est d'ignorer, sinon dans le montant du cachet ET la capacité de négociation de l'artiste face au donneur d'ordre, le temps de travail nécessité par la ou les prestations prévues. Cela se traduit par l'absence d'horaires de travail sur le C4 (le document remis par l'employeur à l'artiste à la fin de son engagement, et qui doit être remis à l'Onem (l'Administration chargée de l'octroi des allocation de chômage). L'Onem confirme: "le cachet s'explique par l’absence de lien direct entre le nombre d’heures de travail et la rémunération".


Rappelons que la rémunération au cachet est - de loin - antérieure à la réglementation du chômage: on peut remonter de deux siècles au moins !


Ce mode de paiement semble historiquement réservé aux artistes, en tous cas dans ses conséquences en matière de chômage et particulièrement eu égard aux conditions d'ouverture des droits.  En Belgique, l'ouverture des droits à une allocation de chômage est fonction d'un nombre de jours (pour faire rapide, en France, en fonction d'un nombre d'heures) de travail rémunéré et soumis à cotisations sociales.


J'en profite pour tordre le cou à une rumeur persistante: aucune facture pour vente d'oeuvre ou louage de services n'est pris en compte en la matière. Il faut que les ressources financières perçues par facture soient transformées en même temps ou en second temps en salaire !


Cette modalité de paiement n'est pas si simple dans son fondement et ses conséquences qu'il n'y paraît.


Remarquons d'abord qu'un élément au moins doit faire l'objet d'une spécification temporelle: la prestation est définie dans le temps (et dans un lieu), dates et horaires à la clé ! En outre un engagement au "cachet" peut porter contractuellement sur une période (un nombre de jours) d'occupation couvrant une ou plusieurs prestations.


L'article 10 de l'AM du 26/11/0991 (réglementation chômage) prévoyant de compter pour une journée entière, toute journée de travail pour une prestation d'un artiste musicien ou d'un artiste du spectacle inférieure à 5,77h à condition que la rémunération atteigne un certain seuil (aux alentours des 37,6€aujourd'hui):
Pour l'artiste-musicien et l'artiste du spectacle, une prestation journalière de travail de moins de 5,77 heures est prise en considération comme une journée de travail si la rémunération brute perçue est au moins égale à 1/26ième  [d'un salaire de base] lié à l'indice-pivot 103,14 en vigeur le 1er juin 1999 (base 1996 = 100) 


Pourquoi dès lors le cachet existe-t-il ? Tous les éléments sont là pour qu'une prestation (publique ou en répétition) fasse l'objet d'un engagement de courte durée avec horaire, faisant compter ladite prestation pour un jour de travail, quand bien même elle se bornerait à 1h30 de plateau !


La convention collective de travail "arts de la scène" du 29 janvier 2009 nous met la puce à l'oreille. le descriptif des fonctions sous la rubrique "artiste" prévoit, sous l'onglet "domaines de résultats essentiels", un vaste champ de travail qui manifestement ne rentre quasi jamais (sinon pour des artistes engagés sur de longues, très longues périodes, ou en CDI) dans la période de travail rémunéré, au cachet ou non.
" - analyser individuellement, s'exercer, participer à et étudier les pièces à interpréter de manière à ce que les répétitions qui s'ensuivent se déroulent optimalement ...
- entretenir le matériel exigé (instrument, voix, condition physique, etc.) ...
- suivre les développements et veiller à se perfectionner et/ou à se recycler en permanence ..."


Les artistes musiciens savent que pour une prestation publique, ce sont parfois plusieurs répétitions qui seront nécessaires et dont le donneur d'ordre n'a pas à se soucier, celui-ci n'ayant d'autre horizon que celui de la prestation publique. Et cela vaut pour nombre de comédiens auto-produisant leur spectacle et ne pouvant dans les plus nombreux cas compter que sur les ressources de vente de leur spectacle pour se rémunérer... etc. etc.


Notons au passage que l'Onem interdit de manière générale le cumul d'une allocation journalière de chômage et de toute activité vous rendant indisponible sur le marché du travail.


La rémunération au cachet est simplement une "bonne affaire" pour l'employeur qui peut ainsi rémunérer une prestation sur la seule base de la "valeur sur le marché d'un artiste (sa notoriété)", et non sur le temps de travail nécessité réellement par la dite prestation, un temps de travail qui devrait alors faire l'objet évidemment d'un salaire horaire barémisé ! Il est curieux que la convention collective "doublage" soit la seule à ma connaissance à officialiser le mode de rémunération au cachet ... Serait-ce parce que ce secteur s'est développé en Belgique à l'initiative souvent de comédiens. J'aimerais connaître les motivations des représentants syndicaux qui les ont amenés à accepter là ce qu'ils ont refusé d'officialiser et barémiser partout ailleurs (audiovisuel, spectacle, etc.).


Soyons de bon compte: ce mode de rémunération permet également à nombre de petites compagnies ou de collectifs de musiciens de bénéficier a minima d'un contrat d'emploi pour la prestation publique, à défaut de pouvoir rémunérer l'ensemble du travail fourni. Il est de notoriété publique que nombre de subventions de la Fédération Wallonie Bruxelles (exemples: le plafond d'une subvention théâtre pour un premier projet, ou les subventions de diffusion type "Art et Vie") ne permettent pas de rémunérer la totalité du travail nécessité par l'objet même de la subvention.


En outre, ce temps de travail excédentaire par rapport à la durée de la ou des prestations est relativement inquantifiable a priori, et sa répartition dans un calendrier tout aussi imprévisible: il n'y a en la matière que des cas singuliers, des pratiques personnelles, des contraintes conjoncturelles.


Pour finir, le cachet devrait (mais est-ce le cas compte tenu du rapport de forces défavorable aux artistes sur le marché du travail) permettre le cas échéant de mutualiser sur plusieurs donneurs d'ordre l'investissement temps nécessité par un projet donné (le temps de la création d'un artiste autonome, donc non rémunéré pour ce temps).


Tant que le législateur ne fera pas un effort de cohérence autour de la notion du cachet, dans un sens ou un autre, l'insécurité juridique des artistes eu égard à la réglementation de l'Onem restera suspendue au-dessus de la tête des artistes comme une lame tranchante ! Notre zoo s'est enrichi d'une chimère ...


Dans l'arrêté ministériel portant sur la réglementation du chômage du 26 novembre 1991 (tel que modifié par divers arrêtés depuis), nous trouvons aux articles 10, 11 deux articles qui servent de socle (bien effrité) à la pratique actuelle de l'Onem.
J'ai déjà cité l'article 10 supra.


Voici l'article 11:

Pour le bûcheron rémunéré à la tâche, le nombre de journées de travail est obtenu en divisant la rémunération brute perçue pendant la période de référence par 11,65 EUR. Le quotient obtenu est arrondi à l'unité supérieure. Le nombre de journées de travail ainsi obtenu ne peut dépasser le nombre de jours, dimanches exceptés, compris dans la période d'occupation.


La pratique actuelle de l'Onem consiste à interpréter favorablement ces deux articles en les mixant dans un dispositif tout à fait instable (son interprétation de la loi est pour le moins large !): la rémunération d'un artiste musicien ou de spectacle sera divisé par un salaire journalier de référence afin d'obtenir un équivalent nombre de jours de travail, servant de base à la réglementation relative à l'ouverture du droit à une allocation de chômage, basée elle sur un nombre de jours de travail. Et ce, sans limitation du nombre ainsi obtenu par la "transformation du bûcheron" (confirmé par la circulaire du 6 octobre 2011 de l'Onem).


Je dis bien: interprétation favorable, pour deux raisons: la loi ne prévoit pas d'étendre la règle du bûcheron aux artistes musiciens et de spectacle; la règle du bûcheron porte une limite (référence à la période d'occupation.


Je n'ai pas trouvé confirmation dans les textes de ce que j'avance, mais il semble bien que la période d'occupation du bûcheron ne peut être cumulée avec une allocation d'attente (en toute logique, puisqu'il est indisponible sur le marché du travail pendant toute cette période).


Il est étrange que l'article 12 ne soit pas utilisé pour les (ou certains) artistes:

Pour le travailleur à domicile qui perçoit un salaire à la pièce ou à la tâche, le nombre de journées de travail est obtenu en divisant la rémunération brute dont il est tenu compte pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, secteur chômage, perçue pendant la période de référence, par 1/26ième du salaire mensuel de référence visé à l'article 5. Le quotient obtenu est arrondi à l'unité supérieure.
Le nombre de journées de travail ainsi obtenu ne peut cependant pas dépasser le nombre de jours, dimanches exceptés, compris dans la période pendant laquelle le travailleur à domicile est lié par un contrat de travail, diminué des journées assimilées prises en compte pour cette période.


In fine, seul l'artiste musicien ou de spectacle - et je rappelle qu'il s'agit d'une interprétation favorable qui peut être remise en question à tout moment par l'Onem et de sa seule autorité, se voit appliquer la "transformation du bûcheron" (transformation d'un salaire en équivalent jours de travail) sans limitation du nombre de jours ainsi obtenu (exception à l'article 7).


Question: pourquoi l'Onem n'assume pas cette torsion des articles 10 et 11 jusqu'au bout, en accordant ce dispositif à tous les artistes ?... Sa propre argumentation n'est pas cohérente:il refuse l'application de ce dispositif aux artistes créateurs au prétexte que "le mode de rémunération doit être inhérent à la nature du travail" ?... On se demande aussi pourquoi l'Onem justifie ce dispositif au titre de l'article 10, qui n'a rien à voir avec cela, plutôt qu'en se référant aux articles 11 et 12.


Autre question: pourquoi ne pas étendre cette transformation partout où le nombre de jour sert de base à un calcul pour l'Onem, et pas seulement pour l'admissibilité ?


La conséquence pratique en est immédiate: les contrats au cachet porteront sur une période minimale (sans volonté de fraude: simplement parce que le travail nécessité en dehors de cette période est quasi inquantifiable cfr convention collective supra), et le nombre de jours obtenu par transformation dépassera évidemment ladite période d'occupation.
L'Onem le reconnaît quasi explicitement"le cachet s'explique par l’absence de lien direct entre le nombre d’heures de travail et la rémunération" (ce point est donc acquis).
Mais, manque de cohérence, il renvoie du même coup l'artiste dans la m... Puisque le temps de travail nécessité en dehors de la période d'engagement dans un travail professionnel rémunéré ne peut en principe être cumulé avec une allocation d'attente: la lettre A devrait être apposée dans la case de la carte de pointage de chaque jour où l'artiste a été rendu indisponible sur le marché du travail du fait de ce travail nécessaire, mais hors période d'engagement ... et pour la plupart des artistes qui ne sera jamais couvert entièrement par le cachet qu'ils auront réussi à négocier !


Ce dispositif appliqué aux artistes musiciens et de spectacle par l'Onem ne repose en fait sur aucune base légale. Ce n'est pas une découverte ... Et le nombre de circulaires de l'Onem en 2011 relative aux artistes au chômage renforce l'urgence d'une clarification et d'une mise en cohérence des textes réglementaires.


Afin de mettre un terme à l'insécurité juridique et sociale des artistes au chômage, en attente ou non de l'ouverture de leurs droits à une allocation, le législateur doit donc traiter EN MÊME TEMPS les questions suivantes:
  • l'extension de la notion de cachet pour prestation à tous revenus du travail (artistique, intellectuel, créateur ?...), en ce y compris ceux provenant de la vente du produit direct de ce travail, quand ces revenus sont transformés en salaires (afin que l'Etat perçoive les cotisations ad hoc) via une structure tierce;
  • la transformation d'un revenu en équivalent jours de travail;
    • la définition du public-cible de cette mesure (pour les seuls artistes de spectacle ou pour tous les métiers de la création);
    • la définition et le statut de la période d'occupation associée à un engagement au cachet, et sa relation avec la prestation proprement dite;
    • le champ d'application: seulement pour l'admissibilité ou chaque fois que le nombre de jours de travail sert de base de calcul;
    • une définition claire des éventuels seuils et plafonds;
  • le statut du travail non rémunéré, nécessité par une prestation au cachet, mais situé en dehors de la période d'occupation contractuelle, eu égard à la question des activités "autorisées" et du cumul avec une allocation journalière d'attente ou de chômage.
Cela est d'autant plus urgent que les interprétations de l'Onem risquent fort de diverger entre Régions dès la régionalisation prochaine de ses compétences !

lundi 12 décembre 2011

Des droits sans devoir !

Voilà, c'est mon devoir du soir, genre dissert. de café du commerce !

Toujours lors de ce fameux débat, j'ai évidemment entendu (entre les lèvres et sous les dents d'un artiste) le slogan inévitable "il n'y a pas de droits sans devoirs" ! Serait-ce un nouveau point Godwin ?

Je vais faire bref et lapidaire: bien sûr que oui, il existe des droits sans devoir ! Je vous en livre deux à la méditation. Et j'espère que vous en trouverez d'autres, que vous en défendrez d'autres, de ceux qui au contraire de ces deux-là, font de l'espèce humaine autre chose qu'une variété zoologique de L'héautontimorouménos. Des droits inaliénables de l'être humain, non négociables, sans prix !


Le droit de propriété ... vous en connaissez, vous, des devoirs qu'il impose ?... Sinon peut-être celui de défendre le système qui l'a promu en tête des droits ... Mais ce n'est qu'intérêt bien pesé, même pas un devoir.
Et sur ce droit sans devoir, un autre s'est installé sans vergogne: le droit d'auteur. Mesdames et Messieurs les auteur-e-s, quels sont vos devoirs ? Nada !


Comme il est curieux que les moindres des droits instituant l'égalité ou la solidarité sont, eux, à ce point limités ou conditionnés par nombre de devoirs dont nous devons nous acquitter sous tutelle administrative (surveiller si on a bien fait ses devoirs, là où on vous a dit de faire, sinon ... punir !). Serait-ce parce qu'ils attentent en fait au droit de propriété ?


Je vous parlerai un jour de la loi du cliquet et du curseur.


En attendant, à quels inconscients politiques obéissez-vous en propageant cette rumeur: il n'y a pas de droits sans devoirs !?

L'art / Le droit

Protection de l'art contemporain en droit d'auteur

Les critères juridiques de l'oeuvre à l'épreuve de l'art conceptuel

L’activité artistique saisie par le droit

Ces trois textes ont le mérite d'ouvrir (et documenter) sous l'angle juridique l'une de ces questions qui taraudent régulièrement grands et petits: mais tout ça, c'est d'l'art ou du cochon ? Depuis que les douaniers américains saisirent une sculpture de Brancusi au motif qu'ils n'y reconnaissaient pas une oeuvre d'art et donc que cette importation de "matières premières" (métal et pierre) exigeait des droits de douanes ad hoc, l'eau a certes coulé sous les ponts, mais à l'écoute des élucubrations sur un mur vert*, j'ai bien l'impression que les ponts, eux, se sont à leur tour écroulés dans l'eau.

Nous ne passerons plus d'une vie à l'autre, pardon d'une rive à l'autre, sur le Pont des Arts ...
... si vous continuez à vous comporter comme des douaniers !

* Au cours de ce débat qui a suscité l'ouverture d'Art-Marque (voir descriptif du blog), un artiste "de spectacle" s'est offusqué brutalement que l'on puisse qualifier du même terme son travail et celui du bonhomme qui a tenu le rouleau ayant servi au magnifique monochrome mural d'un vert pomme immaculé d'une salle de réunion du parti Ecolo-Groen, à Bruxelles, au simple prétexte que le donneur d'ordre (le commanditaire dudit monochrome mural) aurait contractuellement décrété qu'il s'agissait d'une commande artistique. Il y avait pourtant bien un "artiste" caché derrière ce mur : le créateur de la charte graphique du parti, qui a soigneusement choisi la référence du vert utilisé. Le peintre (en bâtiment) n'était-il pas dès lors un technicien similaire aux machinistes présents sur les spectacles et les plateaux de cinéma et de télévision ? Le zoo de l'Art-Marque recèle d'étranges trésors inconnus des classifications savantes ...