mercredi 14 décembre 2011

Trop de théâtre(s) ?

Une polémique est née en novembre de la Préface au programme des Prix de la critique (14/11/2011), signée de la Ministre de la Culture de la Fédération Wallonie Bruxelles, Mme Fadila Laanan. Qui a résonné avec un article paru antérieurement dans le journal Le Soir du 5 septembre.

Bien que je me sois éloigné du champ théâtral, j'y ai suffisamment oeuvré (Etats Généraux d'un Jeune Théâtre, Maison du jeune Théâtre, Plate Forme Nationale des Artistes) pour que la question actuelle me replonge dans les analyses que nous menions dans les années '90, et qui manifestement restent d'actualité. j'en parlerai d'autant plus à l'aise que je n'ai aujourd'hui plus aucun enjeu personnel à défendre en la matière.

Grosso modo, ladite question tourne autour de quatre points:
  • l'offre théâtrale en Région de Bruxelles;
  • le taux de fréquentation des théâtres;
  • l'avant-garde (sic);
  • la nécessité perçue par la Fédération Wallonie Bruxelles de rationaliser l'allocation de ses moyens maigres et incertains.
Pour ceux qui ont un peu de mémoire, ces mêmes points (exactement les mêmes) agitent régulièrement le secteur depuis 30 ans ! Et leur retour en 2011 étaient non seulement prévisible, mais quasi annoncé depuis l'Etude sur les Publics conduite par la Bellone en janvier 2009. j'avais déjà dans un échange privé avec les responsables de cette étude attiré leur attention non seulement sur des questions de méthodologie, mais également sur le sens politique des choix méthodologiques et des concepts retenus. Je ne m'étais pas trompé.

Dans ce premier post (hé oui, je suis un polygraphe: il y en aura d'autres), je me contenterai de peu ...

En rester à une analyse synchronique et locale de ces questions mènera forcément à une compréhension erronée (par volonté stratégique, manque d'information ou paresse intellectuelle) de la situation et donc à des décisions (éventuelles) au mieux inopérantes au pire contre-productives.

Cela est d'une telle évidence que je me demande POURQUOI une analyse diachronique, historique n'est jamais prise en compte ?

Par exemple, croit-on vraiment inutile de refaire l'historique de la question de l'offre théâtrale à Bruxelles ? des stratégies politiques qui ont été mises en oeuvre pour la traiter ? de l'évolution de l'offre théâtrale depuis la reconnaissance de la première vague des structures issues du Jeunes Théâtre dans les années '70 ? Est-on capable aujourd'hui de conduire une analyse qualitative de cette offre, et de son évolution depuis 20 ou 40 ans (première et deuxième vague du "jeune théâtre") ?
Plus spécifiquement: la question du taux de fréquentation doit-elle être évaluée par structure, par artiste (pourquoi tel metteur en scène fait telle fréquentation ici et telle là), par sous-secteur (puisque l'on parle d'avant-garde, doit-on procéder avec la même méthode et les mêmes concepts pour l'avant-garde et le théâtre de divertissement), et finalement, la question pour une structure ou un artiste du taux de fréquentation ne serait-elle pas plus pertinente si elle était envisagée dans le temps (c'est ça la médiation culturelle: travailler dans le temps !): dynamique des flux plutôt que gestion des stocks ?! Cette fréquentation doit-elle faire l'impasse sur les caractéristiques socio-économiques des publics ?

De tout cela ... rien, nulle part: ni données, ni concepts, ni évidemment analyses ! le pire: je ne vois même pas pointer l'ombre de la volonté d'entamer un tel travail ? Serais-je le seul à le trouver nécessaire ?...

Faire l'impasse sur ces questions ne sera jamais qu'une stratégie - minable - politique et économique, tant des Pouvoirs publics (qui dispose des moyens et d'une partie des données pour entamer cette analyse complète), que du secteur lui-même (à titre d'exemple, les déclarations de Michel Kacenelenbogen me paraissent aussi sinon plus stratégiques en la matière que la Préface de la Ministre).

Un mot encore sur l'"avant-garde" ? Celle-là m'a bien fait rigoler ... jaune. Et je préfère de loin la défense de la diversité telle que présentée par Philippe Sireuil (cfr son intervention dans le journal Le Soir), dont j'estime toujours la pertinence et la qualité des analyses et positions (que je les partage ou pas).

Il n'y a pas de théâtre d'avant-garde à Bruxelles ni en Wallonie ! En tous cas si l'on se réfère à la production internationale actuelle ... Localement ça se discute peut-être, mais à quelle stratégie, encore fois, obéit-on en déployant un tel concept localement ? Et cela a-t-il même un sens. Par définition l'avant-garde (pour peu que ce concept ait encore un sens) est un concept historique qui ne peut être réduit ni à un temps ni à un lieu donnés !

Bon c'est l'heure du déjeuner, et j'ai encore d'autres ruines à visiter.

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